L’intention du ministre Fitzgibbon de doubler la rémunération de plusieurs hauts dirigeants d’Investissement Québec a soulevé une importante controverse. Les salariés du secteur public québécois ont pris cette annonce comme une véritable insulte alors que les négociations stagnent depuis plus d’un an. Le PDG de cet organisme public, un ami personnel du ministre, pourrait ainsi gagner jusqu’à 1,1 million de dollars. Critiqué de toute part, le ministre s’est défendu en indiquant que ce type de rémunération est nécessaire pour être compétitif face au marché. Une telle rémunération inspirée du secteur privé n’aurait pas sa place dans le secteur public en temps normal; alors que le gouvernement s’entête à offrir 5 % d’augmentation sur trois ans à ses employés de la classe moyenne, cette idée est carrément révoltante.
La Coalition avenir Québec (CAQ) n’en est pas à sa première déclaration démontrant son favoritisme pour les très hauts salariés. En 2019, alors qu'il était critiqué au sujet des salaires abusifs octroyés aux cadres des sociétés d’État, François Legault avait rétorqué que des postes comparables existent dans l'entreprise privée et qu’on ne peut pas s'isoler de la réalité des marchés. Malheureusement, il ne parlait alors que des hauts salariés de la fonction publique et des dirigeants de société d’État! Après son élection en 2018, la CAQ n’avait pas tardé à renier sa promesse de geler le salaire des médecins spécialistes qui gagnent en moyenne 430 000 $ par année.
Bref, quand il s’agit des très hauts salariés de l’État, ceux qui font partie du 1 % des plus riches de notre société, la CAQ parle de compétitivité, de la nécessité d’être attractif et de retenir les meilleurs. Quand il s’adresse à ses salariés de la classe moyenne, le discours change complètement et la « capacité de l’État » est rapidement évoquée.
Sans grande surprise, l’essentiel de ces très hauts salaires a été offert à des hommes. À son entrée en fonction, la Coalition avenir Québec a ainsi nommé deux fois plus d’hommes que de femmes dans la haute fonction publique. Parmi ces nominations, les postes les mieux rémunérés ont systématiquement été dévolus à des hommes.
Les plus hauts dirigeants de ce parti proviennent de la haute direction de grandes entreprises. Payer des PDG 20 ou 30 fois plus cher que leurs salariés moyens, c’est une pratique qu’ils connaissent bien. Ne cherchons pas plus loin l’explication à leur comportement : maintenant qu’ils sont au sommet de l’État, ces messieurs continuent simplement de faire ce qu’ils ont appris à faire dans leur business.
Les petits salariés de l’État en ont assez d’être ainsi injustement traités par un gouvernement qui semble toujours pencher du côté des plus riches. François Legault doit démontrer qu’il comprend la réalité de ses employés de la classe moyenne et que, pour lui, le principe d’offrir des salaires compétitifs ne s’applique pas qu’à une poignée de privilégiés.
Christian Daigle, président général du SFPQ
Cette lettre a été publiée dans le journal Métro, le 23 avril 2021