Est-ce qu’ils veulent que l’on quitte la fonction publique ?
C’est la question qui me vient en tête quand je constate le comportement du gouvernement Legault dernièrement. Plus les manifestations de mépris envers les travailleurs et travailleuses de la fonction publique s’accumulent, plus on se demande si notre employeur est réellement digne de notre travail et notre engagement.
La dernière goutte qui a fait déborder le vase, c’est évidemment la fin de la possibilité de compenser un diplôme d’études collégiales ou un diplôme universitaire par de l’expérience de travail pour la promotion. Récemment, plusieurs membres du Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec (SFPQ) ont exprimé leur surprise et leur consternation à ce sujet et ils ont bien raison de le faire. Déjà que les « promotions sans concurrence » posaient un problème depuis de nombreuses années et limitaient l’accès dans certains postes, en ne ciblant qu’une seule personne pour effectuer le concours de promotion, on vient de fermer complètement le robinet pour les autres possibilités.
La fonction publique était déjà, depuis de nombreuses années, massivement en retard concernant les conditions salariales. Le prix de consolation pour plusieurs était la conviction de pouvoir gravir les échelons par le biais de la promotion et d’atteindre un jour un poste de technicienne ou technicien, de professionnelle ou professionnel, voire de cadre. Plusieurs espéraient ainsi avoir l’opportunité de contribuer aux services publics québécois en progressant dans leur carrière, car ces personnes n’ont peut-être pas eu le choix ou l’opportunité de poursuivre leurs études à l’époque, mais pensaient pouvoir démontrer leur potentiel au travail. C’était en quelque sorte la promesse de la fonction publique : un grand employeur offrant un parcours de carrière varié et complet à ceux qui démontrent qu’ils en sont capables et qu’ils le désirent.
Plusieurs ont rejoint la fonction publique pour cette raison. D’autres y sont demeurés et ont travaillé d’arrache-pied des années en espérant cette promotion, refusant des opportunités d'emploi hors de la fonction publique. En quelque sorte, à défaut de pouvoir promettre un salaire compétitif, la fonction publique promettait que l’apprentissage, le travail et la loyauté seraient récompensés par des opportunités de carrière pour un même employeur.
Aujourd’hui, au-delà de toute logique et malgré toutes nos protestations depuis le dépôt du projet de loi, l’employeur nous referme cette porte aux nez. Dorénavant, il semble que pour croitre dans sa carrière, un employé de la fonction publique devra la quitter. De nombreux fonctionnaires envisageaient déjà de quitter la fonction publique pour améliorer leurs conditions de travail, ce nombre va probablement et malheureusement augmenter.
Nous savons que plusieurs ministères et organismes ainsi que de nombreux cadres ont conscience que c’est une décision catastrophique et déplorent cette nouvelle mesure, car elle va certainement leur compliquer la vie. Est-ce que cela vient d’une volonté politique ou du Secrétariat du Conseil du trésor ? Peu importe, car il s’agit d’une idée absurde qui va aggraver la pénurie de main-d’œuvre, déjà critique dans la fonction publique. De plus, quoi de mieux pour augmenter la tension dans un bureau en empêchant des employés compétents et méritants afin de le confier à quelqu’un qui ne connaît nullement le travail « terrain » au quotidien. Cette attitude est déconnectée du monde du travail moderne où, de plus en plus, c’est la reconnaissance de la compétence objective qui est mise de l’avant plutôt que la détention d’un diplôme ou pas.
Cette décision incompréhensible s’ajoute à la longue liste des injustices à notre endroit qui parsème l’actualité dernièrement. Que l’on parle des augmentations pouvant s’élever jusqu’à 50 % autorisées par le gouvernement pour les juges, du blocage de nos négociations ou du refus de négocier une entente sur le télétravail dans la fonction publique, tout porte à croire que les problèmes de recrutement de la fonction publique ne vont que s’aggraver.