Questions tendancieuses en consultation prébudgétaire
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Le ministre des Finances a lancé récemment le processus annuel de consultation entourant l'élaboration du prochain budget du Québec. C'est en mars prochain que sera dévoilé le fruit du travail du ministre Eric Girard, mais nous pouvons dès maintenant soulever d'importantes inquiétudes sur le processus de consultation lui-même.
Un fait saute aux yeux : le ministre sollicite les avis de ceux et celles qui ont de bonnes chances d'être d'accord avec lui. C'est ce qu'il a fait ces derniers mois en demandant les opinions, sous la forme de mémoires, d'un groupe restreint d'économistes. Parmi eux se trouvent bien entendu d'éminents chercheurs universitaires dont les travaux éclairent avec pertinence l'oeuvre de la planification budgétaire. Cependant, s'y trouvent aussi, de manière fort disproportionnée, des économistes associés à des institutions financières ou à des organismes de recherche dont les biais favorables à celles-ci sont manifestes.
Cela pourrait se comprendre et s'expliquer si, parallèlement, le ministre s'informait auprès de sources plus variées et représentatives, mais ce n'est pas le cas. Il semble se satisfaire d'un portrait partiel, fortement influencé par les intérêts des banques et du monde des affaires, et non d'un dialogue social digne de ce nom.
Par exemple, il est de plus en plus difficile de rencontrer le ministre, ou un membre de son équipe, dans le processus de consultation budgétaire. Aux demandes de rencontres provenant de groupes de la société civile, l'argument du manque de temps, forçant à restreindre la liste des organismes rencontrés pour l'élaboration du budget, arrive de plus en plus souvent, tel un jugement duquel on ne peut faire appel.
Pire, les consultations publiques sont résolument orientées, invariablement, pour confirmer les priorités gouvernementales. Ce n'est pas nouveau, les consultations accessibles sur la page Web du ministère n'ont jamais brillé par leur ouverture aux idées et aux débats. De surcroît, cette année, il n'est même plus possible de sortir du chemin tracé en utilisant, par exemple, une case « autres considérations » afin de faire entendre un son de cloche un brin discordant.
On nous demande, notamment, quelles devraient être les priorités du gouvernement lors du prochain budget. S'ensuivent sept réponses possibles, qui vont toutes dans le sens de ce que le gouvernement affirme déjà vouloir faire. On demande, par exemple, si Québec devrait réduire le fardeau fiscal des Québécois et des Québécoises. Impossible de répondre qu'au contraire, il devrait travailler à augmenter les contributions fiscales des plus riches et des entreprises. On nous offre aussi l'option d'améliorer le potentiel économique du Québec afin de relancer l'économie de manière durable, mais il est impossible de dire au ministre qu'une relance durable passe d'abord par une lutte contre les inégalités. Pourtant, plusieurs mesures fiscales progressives rapporteraient des milliards aux finances publiques…
Si le gouvernement a été élu pour gouverner, il n'a pas été élu pour faire fi des avis discordants aux siens. N'oublions pas que plus de la moitié des électeurs et des électrices n'ont pas voté pour la Coalition avenir Québec (CAQ) qui, pourtant, prétend gouverner en leur nom aujourd'hui. La moindre des choses serait de mettre en place des consultations dignes de ce nom, ne serait-ce que pour que la diversité des idées et des opinions puisse s'exprimer et être prise en compte.
Actuellement, le gouvernement ne se donne même pas la peine d'entendre tout le monde pour ensuite décider. Il écarte, dès le début, ceux et celles qui ne pensent pas comme lui.
*Ont cosigné cette lettre : Christian Daigle, président général du Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec (SFPQ) ; Réjean Leclerc, président, FSSS-CSN ; Véronique Laflamme, porte-parole, FRAPRU ; Benoît Lacoursière, secrétaire général et trésorier, Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec – CSN ; Stéphanie Vallée, présidente, Table des regroupements provinciaux d'organismes communautaires et bénévoles ; Patricia Chartier, coordonnatrice, Coalition des Tables régionales d'organismes communautaires (CTROC) ; Patrick Bydal, vice-président à la vie politique, Fédération autonome de l'enseignement ; Marie-Line Audet, directrice générale, Table nationale des corporations de développement communautaire (TNCDC) ; Vanessa Massie, présidente de L'R des centres de femmes du Québec ; Claude Vaillancourt, président, Attac-Québec ; Dominique Daigneault, présidente, Conseil central du Montréal métropolitain – CSN ; Marianita Hamel, co-coordonnatrice, Solidarité populaire Estrie ; Mariepier Dufour, directrice générale, Fédération des associations des familles monoparentales et recomposées du Québec ; Maud Provost, organisation communautaire, Réseau d'action des femmes en santé et services sociaux (RAFSSS) ; Steve Baird, organisateur communautaire, Front commun des personnes assistées sociales du Québec ; Marie-Christine Latte, coordonnatrice, Organisation populaire des droits sociaux ; Jean Trudelle, président, Debout pour l'école ; Marie-Andrée Painchaud-Mathieu, coordonnatrice, Regroupement intersectoriel des organismes communautaires de Montréal (RIOCM) ; Louis-Frédéric Verrault-Giroux, agent de mobilisation et de communication, TROVEP de Montréal ; Joanne Blais, directrice, Table de concertation du mouvement des femmes de la Mauricie (TCMFM) ; Marie-Eve Surprenant, coordonnatrice, Table de concertation de Laval en condition féminine ; Élise Landriault-Dupont, co-coordonnatrice aux volets vie associative et vie d'équipe, Regroupement des groupes de femmes de la région de la Capitale-Nationale – RGF-CN ; Karine Verreault, directrice générale, ROC 03 ; Joée Deschênes, agente de concertation, Table de concertation du mouvement des femmes Centre-du-Québec (TCMFCQ) ; Gisèle Dallaire, coordonnatrice de RÉCIF 02 ; Isabelle Thibault, co-coordonnatrice générale, Réseau des femmes des Laurentides ; Joanne Blais, directrice, Table de concertation du mouvement des femmes de la Mauricie (TCMFM) ; Martin Leclerc, représentant sociopolitique, Alliance des professeures et professeurs de Montréal (APPM).