Identité numérique. Un chèque en blanc pour le gouvernement, craint le SFPQ
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Le Syndicat de la fonction publique du Québec (SFPQ) s’inquiète que le projet de Loi 82 portant sur l’identité numérique nationale représente un chèque en blanc au gouvernement en matière d’utilisation des données des Québécoises et des Québécois, en plus de représenter une pente glissante en matière de déshumanisation des services. Dans son mémoire déposé en commission parlementaire, le SFPQ déplore que le gouvernement puisse unilatéralement, sans mécanisme de contrôle suffisant, déterminer les modalités reliées au registre de l’identité numérique nationale, les données qui le composeront, et les normes de qualité de celles-ci.
Le Syndicat constate notamment que le projet de loi donnera le pouvoir au gouvernement de recueillir davantage de renseignements que nécessaire aux fins de la simple identification. Il permettra aussi de déterminer les données numériques gouvernementales ayant des caractéristiques biométriques pouvant être utilisées.
« Force est de constater que le PL82 est déposé dans un contexte de déficit d’encadrement du numérique, et d’un net manque de transparence gouvernementale. On connaît l’habitude gouvernementale de clamer la transparence et les bonnes pratiques dans ses orientations stratégiques, puis d’oublier ces principes sitôt qu’il s’agit de légiférer, réglementer, ou mettre en œuvre des projets. Les exemples de dérives de ces pratiques sont nombreux : le manque d’informations sur le fiasco SAAQclic, la difficulté d’obtenir des réponses à la suite de nombreuses demandes d’accès à l’information sur des projets en ressources informationnelles dans divers ministères et organismes, etc. En soumettant le PL82, le gouvernement demande aux parlementaires de lui donner de nouveaux pouvoirs réglementaires en matière de gestion des données numériques, et ce, sans avoir déployé d’efforts suffisants permettant de démontrer qu’il s’engage à suivre les meilleures pratiques et faire preuve d’une plus grande transparence », explique Christian Daigle, président général du SFPQ.
Le SFPQ ne s’oppose pas à une accessibilité accrue des services, notamment par le biais de solutions numériques. Néanmoins, l’expérience des multiples réformes et projets gouvernementaux visant la numérisation et la centralisation de services pousse le Syndicat à s’interroger sur des dérapages potentiels. Plusieurs services offerts à la population impliquent des dossiers complexes nécessitant une intervention humaine et un accompagnement pour en assurer le traitement adéquat. Dans ces cas, le contact humain est essentiel pour assurer un service de qualité aux citoyens et répondre à leurs besoins de manière efficace.
« Les services en personne et par téléphone ont été dégarnis, et l’accessibilité a été diminuée : la prise de rendez-vous désormais obligatoire pour les services en personne du Tribunal administratif du logement, la possibilité de rencontre en personne uniquement sur convocation à la CNESST, l'impossibilité de joindre son agente d’aide sociale au MESS, etc. De plus, aucune disposition légale n’existe en ce moment afin de protéger les citoyennes et les citoyens d’une imposition des modes d’accès exclusivement numériques pour les services publics. Il importe ainsi d’intégrer une disposition assurant à la population, et ce, pour l’entièreté des services publics dont elle bénéficie directement, une équité entre les modes d’accès aux services publics », explique monsieur Daigle.
Enfin, il importe que l’ensemble des ressources informationnelles supportant la mise en place de l’identité numérique soient des ressources internes au gouvernement : il en va de l’intégrité, de la sécurité et de la pérennité du projet. « Alors que le gouvernement de la CAQ mène des politiques d’austérité, retarde des projets et peine à pourvoir des postes en informatique, on a du mal à voir comment il réduira le recours à la sous-traitance pour assurer que l’identité numérique nationale ne se fasse pas à grands frais et au détriment de la souveraineté de l’administration publique sur ses propres affaires. Nous demandons à être convaincus », termine monsieur Daigle.